Le cru et le su

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Tu n’es pas là
E puore si muove
Toi aussi du reste

 M’effraie le petit silence
Des espaces finis
Cette tension qui maintient
L’âtre si haut dans le regard

Me serre les yeux
D’abandonner l’infans
À cette étrange pénombre
Qui s’ignore ou se délecte

De repartir à l’arrêt
Vers la pointe lumineuse
Du couchant, là où la terre
Commence à se finir

Me dilate soudain
Les fines gouttes d’été
La vie est immense

Et si tu n’es pas lasse
Elle tourne pourtant
Me brûle les yeux
J’ai faim.

 

25 VI-26 VII 2019

 

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Note

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“And their hope grew with a hunger to live unlike before”
Agnès Obel, The Curse

Le soleil, une note
Sur un fil tenu
Plein du matin
Brume et s’assèche

Yeux fermés
Commence le jour
Et l’ombre fraîche
Le voile d’Isis

Césure. Le vent,
Je parle seul
Mais l’œil, toujours écoute
Il happe, il a faim
L’épingle dans le geai

Le pain s’effrite
Il est tendre, encore
Et trop loin pour mes pas
Au royaume des grandes ombres

11 iv 2019

Hormis

« En vérité, celui qui ne connaît pas la colère ne connaît rien.
Il ne connaît pas l’immédiat. »
H. Michaux, Lointain intérieur

 

Par on commencer ?
Par je, puisque c’est un autre ?
Parjure ou par jeu
Parce qu’il y a la honte

Qui longe les chemins
Dans l’ombre ou la peine
Qui s’allonge sous les pas
L’ourlet de la mémoire

Une écume, sur laquelle
L’oubli se forge
Une houle dans le regard
Qui ne se voit pas

Et pourtant, je, ouïe-je son étole ?
Je suis sûr qu’elle se happe,
Et se pâme, dans mes gestes
« Une nappe d’eau près des seins,
Où se noyer comme une pierre »

Comment finir ?
Je, on ? Non, je,
Mais ne sais pas
Sans mentir peut-être
Sans doute, ni férir
Ainsi lancer la lune

 1 iv 2019

 

 

Hier

Il y avait des jours encore où l’œil retrouvait sur cette terre poncée et usée par la familiarité de tant de paumes les escarres et les cicatrices du feu
J. Gracq, Les terres du couchant

Ce demain
Que j’attendais
C’était hier

C’était
Ce n’est plus
Désormais, un souvenir
Ou une trace

Hier,
J’ai arpenté
Par le sable pressé
Et la lumière
Du couchant
Illimité
Hivernal

J’ai, marché,
Et remâché
Rôdé et hésité,

J’ai fais le tour
Rapide, d’un cœur
Qui change certes
Moins vite

Mais j’ai pris la fuite
À la perpendiculaire
Du sous-sol

Une double fuite alors

C’était hier
Un jour sans
Lendemain
Sans faim
Et décédé
Sous mes pas

J’étais hier
Ce qu’aujourd’hui
Je peine
À être

Hier, j’étais à l’ouest
Et jetais le temps
Dans l’ombre noire
Qu’on ne voit pas
Ce dos qui me suit

Quand même
Comme demain,
L’hiver

29 xii 2014-31 i 2015

Acte (V)

Calme-toi, visage embrasé. Je suis là.
Pas d’arrachement.
Je t’attends dans la douceur…
Je t’attends

H. Michaux, L’espace aux ombres

Je vois le brouillard
De l’ombre
Le marbre de l’eau
Le geste long
De la plante animale
Le visage de la pluie
La peau qui déborde
En haut des seins
La hache du regard
Noyé dans l’onde
Verte de soie
Caché dans la terre
J’allonge l’infini
Je le caresse
Mais le mords
Turbulent
Il renaît
S’en va
Et renaît
Et je me retourne
Au brouillard
19 vi 2014

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Four acts à-la-mescaline, with Henri Michaux
http://jepluriel.wordpress.com/2014/06/18/four-acts-a-la-mescaline/