Thèse

Me voila parvenu au seuil, au bord de cette bordure, au bord de ce flux d’écriture qui devra(it) accaparer de longs mois durant. Me voici au moment où je dois nouer quelque chose dans ma gorge, des sons pour moi, des mots pour d’autres, nouer pour dire ce qui m’échappe encore mais de ce dont je devine la présence, dérobée mais parfois impatiente, au revers de mes réflexions fugitives et glacées à la fois. Me voici au bord du langage, incapable ou alors encore un peu trop ému, pour articuler ces lourds nuages à quoi Vygotski compare la pensée, pour se déverser en une pluie de mots. Alors, il faut écrire, encore et toujours, il faut sauter le pas et ne surtout pas rester sur le seuil, ne plus chercher à voir son œil travailler, accepter de laisser des traces, d’être mal-adroit, d’avancer malgré sa peur dans les ténèbres de ce qui n’est pas encore écrit. Écrire doit d’abord être une forme acceptée de solitude, une petite mort un peu sordide en fait, accepter de ne plus coïncider avec ce que l’on suppose être. Mais c’est aussi, et c’est assurément le plus difficile, tenter de circonscrire et d’énoncer le lieu, l’étoffe, le pli, le nœud secret d’où l’on part et l’on parle. Quel est donc mon désir ?

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Now playing: Kate Bush – Prologue
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Manifestation

Une manifestation est une expérience étonnante toute autant sensible (tactile, visuelle, olfactive) qu’intellectuelle, comme le suggère Merleau-Ponty. On y ressent l’ondoiement d’une foule qui soudain s’enflamme, se meut, siffle des hélicoptères militaires roulant ostensiblement bas, communit à l’enthousiasme d’un passant isolé. Peut-être peut-on ainsi comprendre pourquoi Platon parlait de la multitude, avec un mépris non -dissimulé, comme d’un « gros animal ». On saisit la puissance que cristallise une foule. Un corps symbolique, une puissance qui ne l’est pas moins, rappelant à ceux qui voudraient l’oublier que la souveraineté appartient un peu aussi à la multitude, à la vie en somme.

Commencer

« Il faut nous habituer à penser que tout visible est taillé dans le tangible, tout être tactile est promis en quelque manière à la visibilité, et qu’il y a empiètement, enjambement, non seulement entre le touché et le touchant, mais aussi entre le tangible et le visible qui est incrusté en lui, comme inversement, lui-même n’est pas un néant de visibilité, n’est pas sans existence visuelle. »

Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible

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Now playing: Pieter Nooten & Michael Brook – Several Times I
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